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Reprise de "Tragédie" à Paris

Le Centquatre à Paris accueille pour quelques représentations, du 2 au 4 février, la chorégraphie d'Olivier Dubois, présentée à Avignon.

Par Rosita Boisseau (Avignon, envoyée spéciale)

Publié le 27 juillet 2012 à 13h14, modifié le 30 janvier 2013 à 10h51

Temps de Lecture 3 min.

Présenté au Festival d'Avignon en juillet 2012, Tragédie, du chorégraphe Olivier Dubois s'installe à Paris au Centquatre pour quelques représentations, du 2 au 4 février.

Voici la critique publiée dans Le Monde du 27 daté 28 juillet au moment de la création de Tragédie à Avignon.

> Lire aussi : un portrait d'Olivier Dubois, par Rosita Boisseau (en édition abonnés).


Dix-huit danseurs nus dans une Cocotte-Minute qui pète sans prévenir : jouissif !

Avec "Tragédie", présenté à Avignon, le chorégraphe français Olivier Dubois signe un grand spectacle de danse, solide et urgent.

Quelle gifle ! Quel choc ! Standing ovation pour Tragédie, chorégraphie frénétique d'Olivier Dubois pour dix-huit danseurs. Mais que s'est-il passé exactement ? Une déclaration de guerre, une rave contemporaine, une transe rock, un raout tribal... Tragédie déborde en restant d'abord et avant tout un grand spectacle de danse, solide et urgent, qui se saisit des corps en mouvement pour assener un uppercut esthétique et émotionnel. Du pur plaisir à la frayeur excitée, Tragédie est jouissif.

Du concret. Ils sont neuf femmes et neuf hommes nus sur un plateau vide. Un nombre suffisant pour flanquer des effets de masse splendides et pourtant distinguer chacun des individus. Un par un, ils surgissent du trou noir en fond de scène pour marcher face au public puis repartir en lui tournant le dos. Et ainsi de suite, pendant près de quarante-cinq minutes (sur l'heure trente que dure la pièce). Assauts tranquilles et répétés, rythme toujours identique (douze pas, comme les douze vers d'un alexandrin), énergie franche... Le défilé presque martial se transforme en vagues humaines. Séisme annoncé.

Curieusement, le plaisir immédiat que procure Tragédie, un peu "béat-baba", presque enfantin même par instants, vient de cette marche répétitive et insistante, scandée par des coups de tambour réguliers et profonds. Contempler des hommes et des femmes nus en train de marcher d'un bon pas suscite une empathie insolite.

L'obstination tranquille des interprètes, leur regard droit qui semble parfois chercher la bagarre sentent bon le jusqu'au-boutisme. Retour à des émotions originelles que la vibration musicale accentue ? Enchaînement cyclique qui finit par donner le tournis ? Sans doute. L'énergie de base qu'est une bonne marche devient un cri de pure vitalité.

L'humain dans son plus simple appareil

Ce motif, comme quelques minutes plus tard, le tremblement, le saut, la course..., qui exploseront l'ordre de Tragédie, dépassent les gestes élémentaires pour atteindre une zone archaïque. Ce répertoire de mouvements fondamentaux répercuté par le corps de ballet, corps d'armée des dix-huit danseurs, finit par imposer l'idée du corps tout court, identique pour tout le monde au-delà du sexe et du genre. Même si la rencontre entre les deux clans a lieu, elle ne sépare jamais le groupe, échantillon d'humanité qui va traverser les épreuves en restant debout.

La nudité de Tragédie est celle de l'humain dans son plus simple appareil. Evidente, jamais décorative ni accrocheuse, elle est celle de la peau qui nous constitue. Elle permet un point de vue plastique parfait. Beauté de la pâleur des danseurs qui apparaissent dans une lumière blafarde ou prennent des poses comme dans un atelier de sculpture. Tragédie déroule, sans jamais insister, une série de tableaux en noir et blanc, version chair et marbre, dont le glacis est celui de la sueur.

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La tragédie annoncée prend sa couleur à travers la fureur qui secoue finalement les interprètes exaspérés par les rafales musicales de François Caffenne. Scènes de folie, de guerre, qui durent et durent, interprétées de façon phénoménale par les danseurs qui se cognent, se jettent, escaladent les murs en hurlant... Tragédie, c'est la Cocotte-Minute de la vie qui pète sans prévenir ; le rouleau compresseur des générations qui se recouvrent les unes les autres ; le chaos d'un seul jour qui élimine tous les autres... Mais encore, la sauvagerie de l'humain que des couches d'éducation n'arriveront jamais à étouffer... Tragédie de vivre et d'aimer ça.

Avec cette nouvelle pièce, Olivier Dubois, généreux et impitoyable, fonce. Depuis son premier solo Pour tout l'or du monde, en 2006, et la création de sa compagnie un an plus tard, il n'a cessé de nous épater, faisant ventre de tout, de L'Après-midi d'un faune de Claude Debussy à des chansons de Frank Sinatra pour L'Homme de l'Atlantique (2010). Après Révolution (2009), qui enchaînait douze femmes à des "pole dance" sur un remix du Boléro de Maurice Ravel (six d'entre elles se retrouvent dans Tragédie), et Rouge (2011), solo raidi de sang interprété par Dubois lui-même, Tragédie ôte la soupape et danse.


Tragédie,d'Olivier Dubois. Centquatre, 11, rue Curial, Paris 19e. Tél. : 01-53-35-50-00. Entrée : 20 €. Du 2 au 4 février, samedi et lundi, à 20 h 30 ; dimanche, à 18 heures.

Sur le Web : www.olivierdubois.org et www.104.fr.

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